L’article de Marie Bocquillon, Steve Bissonnette et al. (2025) sur l’implantation du Soutien au Comportement Positif (SCP) dans quatre écoles québécoises mérite une attention particulière.

Il démontre que le SCP, largement répandu dans les régions anglophones d’Amérique du Nord – soit environ 26’000 établissements étasuniens à ce jour – peut également être déployé avec succès dans les régions francophones. Les résultats montrent une amélioration moyenne des comportements des élèves de 50 % ou plus, ce qui est comparable aux résultats obtenus dans les régions où cette approche a été théorisée et largement mise en pratique.

La publication souligne l’importance de toutes les composantes du SCP. Nous les rappellerons à la suite des auteurs de la publication en insistant parfois sur celles qui sont susceptibles d’intéresser les francophones dont nous faisons partie.

CONDITIONS DESTINÉES À GARANTIR UNE MISE EN PLACE RÉUSSIE DU SCP.

Pour pallier l’absence de politique gouvernementale, l’implantation du SCP s’est constituée dans les établissements du Centre de Services Scolaire Marguerite Bourgeoys autour de chercheurs et de responsables scolaires qui ont choisi quatre écoles remplissant 6 conditions préalables  :

  1. une adhésion au projet d’au moins 80% de tout le personnel de l’école
  2. la création par l’expert scientifique et le coach formateur d’un comité « SCP » formé de représentante des différents groupes d’acteurs, tous volontaires.
  3. une attention particulière apportée à l’accompagnement du groupe-projet par un coach spécialisé en SCP.
  4. un système d’enregistrement de données relatives aux comportements des élèves.
  5. des réunions mensuelles très régulières du comité SCP, intégrant le coach-formateur ainsi que l’expert scientifique en SCP
  6. l’accent et des moyens mis pour que la direction exerce un leadership fort.

UN ACCOMPAGNEMENT ASSIDU ET RIGOUREUX

Pour satisfaire entièrement à la condition numéro 3, chaque école a été accompagnée pendant quatre ans par un coach SCP externe, suivi par un spécialiste formé dans le but d’assurer la pérennité du programme. Les enseignants du comité SCP ont bénéficié de cinq jours de formation pour se préparer à la mise en œuvre. Des formations continues supplémentaires ont été offertes sur la gestion de classe et l’évaluation comportementale.

Pour soutenir le personnel tout au long des trois premières années, des séances d’information et de questions-réponses leur ont été offertes. En résumé, les écoles ont reçu un solide encadrement destiné à garantir le succès et la durabilité du projet SCP.

REMARQUES DE LA RÉDACTION À PROPOS DE LA PREMIÈRE CONDITION 

Disposer d’un taux d’adhésion au projet de l’ordre de 80% est un idéal qui, certes donne un maximum de garanties pour la réussite de l’implantation ; mais c’est aussi un objectif qui risque de jouer un effet dissuasif pour une direction d’école. A cet égard, l’auteur de l’article de blog et son équipe de doyens ont fait l’expérience de commencer avec un groupe nettement plus restreint de volontaires et de l’élargir année après année. Cet élargissement s’est opéré sous la forme de formations continues à l’enseignement efficace et, surtout, par la démonstration de la pertinence au quotidien des contenus étudiés puis dûment appliqués dans les pratiques pédagogiques et éducatives.

Cette expérience réalisée à Genève dans une école secondaire de niveau Cycle d’orientation a produit des effets bénéfiques comparables : baisse des NEC de 67% dès la 2ème année, de 78% dès la 5ème et de 83% lors de la 8ème. Voilà qui confirme les constats de Nelen, M. J. M. et alii (2020) affirmant que les procédures d’implantation du SCP doivent être adaptées au contexte éducatif où elles sont mises en œuvre.

SIXIÈME CONDITION : UN LEADERSHIP FORT, SELON LES AUTEURS DE L’ÉTUDE

Concernant la sixième condition et la nécessité d’offrir un leadership fort, le coach SCP externe et le chercheur scientifique ont eu recours à un outil d’évaluation adapté de la « Principal Transformative Leadership Scale ». Ce dispositif de sondage validé par Dussault et al. (2007) permet à tous le personnel d’un établissement scolaire de se prononcer sur le leadership de la directrice ou du directeur. Bissonnette (2014) insiste avec raison sur l’importance pour une école de pouvoir compter sur une direction forte et responsable, capable de reconnaître les caractéristiques d’un enseignement efficace. Connaître ne suffit pas. Encore faut-il se donner les moyens d’impliquer le plus grand nombre de professionnels dans l’application de dispositifs éducatifs et didactiques dont l’efficacité a été prouvée par les recherches scientifiques.

REMARQUES DE LA RÉDACTION CONCERNANT LA SIXIÈME CONDITION

Concernant le leadership fort, la rédaction non seulement valide mais ajoute qu’il doit être éclairé. En acquérant la conviction forte que « toutes les pédagogies ne se valent pas » mais que, au contraire, certaines d’entre elles ont des effets positifs vérifiés, la direction d’une école peut se permettre d’énoncer des recommandations claires, d’intervenir lorsque des situations se sont dégradées, de poser des diagnostics et des axes de travail qui renforcent son autorité de compétence et de statut. Les apports des experts qui sont capables d’enseigner les bons gestes au bon moment sont ainsi un élément fondamental du processus.

LE CŒUR DE LA MÉTHODE DITE DU SOUTIEN AU COMPORTEMENT POSITIF

Le cœur de la méthode – on pourrait presque parler des secrets de la formule qui fonctionne -, ce sont la fusion de trois autres dispositifs ou façons d’aborder la gestion de classe et l’enseignement des contenus.

La première composante s’appelle la « Réponse à l’intervention » (RAI). Une approche qui implique que l’on enseigne les bases de toutes les nouvelles connaissances ou compétences à l’ensemble du groupe. Quitte à multiplier les types de présentations et les façons d’expliquer les nouvelles notions à l’ensemble du groupe-classe, l’adulte vise un taux d’adhésion et compréhension des participant·e·s qui doit atteindre les 80% au minimum.

DEUXIÈME COMPOSANTE : L’ENSEIGNEMENT EXPLICITE COMME MÉTHODE

Pour arriver à un taux de 80%, l’enseignant·e recourt à une méthode de présentation, d’explication et d’application des contenus qui respecte les cinq grands moments de l’enseignement explicite : la phase d’accrochage de l’attention des élèves, les trois moments d’enseignement (modelage), de pratique accompagnée puis de pratique autonome, censées assurer la compréhension des élèves et leur capacité à s’approprier notions et démarches.

La cinquième étape est là pour faire émerger l’essentiel à retenir, pour expliquer les bonnes méthodes de lutte contre l’effet d’oubli et, au contraire, les bienfaits des révisions périodiques garantissant la mémorisation à long terme.

ENSEIGNEMENT DES COMPÉTENCES COGNITIVES ET SOCIALES

Cette démarche peine parfois à être appliquée par des enseignant·e·s qui craignent de trop « mâcher » le travail de leurs élèves dans le domaine cognitif et de les rendre trop dépendants de l’adulte. Cette forme de résistance relève le plus souvent d’une démarche consciente – à propos de laquelle il n’y a pas lieu de rouvrir le débat dans cet article. Il en est une autre, plus répandue qui relève d’une croyance aux effets tout aussi dévastateurs. C’est le refus de comprendre que les bons comportements doivent être eux aussi explicitement enseignés, d’une part et, d’autre part, régulièrement rappelés, corrigés, encouragés pour qu’ils soient rangés dans la mémoire à long terme et deviennent des compétences durables.

DANS SCP, IL Y A LE MOT “POSITIF” QUI PRIVILÉGIE LES INTERVENTIONS PRÉVENTIVES ET INTRINSÈQUEMENT ÉDUCATIVES

Lorsque l’on s’adresse à toute la classe, on se situe dans le domaine des interventions universelles, dites de niveau 1.Elles gagnent en efficacité lorsque les bons comportements sont reliés à de valeurs communes, facilités par des rituels appliqués par tout le personnel enseignant, rappelés de manière visuelle par le biais de panneaux ou d’affichettes. Le concept sous-jacent à cette façon de procéder relève de la conviction que l’adulte fait tout son possible pour anticiper les malentendus, les provocations et les dysfonctionnements en adoptant une approche constructive, chaleureuse et gaie. C’est le troisième dispositif de la série qui relève du behaviourisme.

DES INTERVENTIONS CORRECTIVES

Dans les interventions de niveau 1, les activités dites correctives ont toute leur place. Il s’agit de mesures et/ou de sanctions appliquées lors des transgressions des règles. Le point de vigilance qui les accompagne est de ne pas oublier que les sanctions ont moins de vertus éducatives que l’enseignement des règles. Elles sont plutôt destinées à veiller au bon fonctionnement du groupe. Et quand elles s’avèrent inopérantes, il vaut mieux revenir à des dispositifs éducatifs spécifiques de niveau 2 ou 3.

L’implantation du SCP passe aussi par l’explicitation de la distinction entre les écarts de conduite dits « mineurs » et « majeurs », d’une part. D’autre part, afin de garantir le principe d’équité et d’égalité de traitement, l’établissement scolaire doit produire un document clarifiant qui intervient à quel moment, pour quel type d’écart. C’est à ce prix que les élèves ou les étudiants parviennent à comprendre de manière plus claire ce qui est accepté, admis, toléré ou qui fait l’objet, au contraire, de sanctions plus lourdes telles que le déplacement de classe, d’établissement ou encore la suspension des cours, etc.

La majorité des élèves profite généralement de ce premier niveau d’intervention et se conforme aux demandes des adultes, que ce soit d’entrée de jeu, après le prononcé de sanctions ou de mesures éducatives.

L’étude qui nous occupe se limite à étudier les effets des interventions de niveau 1. Nous avons publié un article de blog qui, lui, recense un publication passant en revue des interventions de niveau 2  (Cho Blair, K. S., Park, E. Y., & Kim, W. H. 2021).

IMPORTANCE DU TAUX DE FIDÉLITÉ AU PROJET

Un des gros enjeux d’un projet pédagogique réside dans l’écart qui existe entre le travail prescrit et le travail réellement effectué dans les classes. Cela s’appelle « la fidélité » et, en l’occurrence elle a été mesurée dans deux des quatre écoles choisies à l’aide d’un outil appelé « School-wide Evaluation Tool » (SET).

Le SET est composé de plusieurs éléments qui permettent d’évaluer différents aspects de la mise en œuvre des SCP. Il mesure notamment :

  • L’engagement du personnel : Le degré d’adhésion et de participation du personnel scolaire à la mise en œuvre du dispositif.
  • La formation et le soutien : La qualité et l’étendue de la formation reçue par le personnel.
  • Les interventions comportementales : L’efficacité des interventions préventives et correctives mises en place pour gérer les comportements des élèves.
  • Le suivi et l’évaluation : La manière dont les données comportementales sont collectées, analysées et utilisées pour améliorer les pratiques de niveau 1.

Dans les cas mentionnés par l’étude et, singulièrement, celui de l’école primaire, le SET a été achevé au cours des 2 premières années de l’implantation. Le pourcentage global de mise en œuvre était de 94 % pour l’an 1 et de 89 % pour l’an 2. Dans la première école secondaire, le SET a été conduit au cours de la première et de la troisième année de mise en œuvre. Le pourcentage global de mise en œuvre était de 80 % pour l’année 1 et de 96 % pour l’année 3.

Ces excellents scores se retrouvent dans l’évaluation des améliorations obtenues par le projet, comme on le verra ci-dessous.

MESURE DE L’EFFET DU SCP DANS LES 4 ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES

Il faut d’abord relever que les coefficients des 4 établissements étudiés sont assez différents les uns des autres, comme le révèle le tableau ci-après, contenant également les années où eurent lieu les implantations du SCP (PBIS en anglais).

Le tableau 2 présente les données chiffrées à partir desquelles l’efficacité des implémentations ont été mesurées.

Fidèles aux principes de l’éducation fondée sur des preuves, les auteurs de cette recherche ont pris comme base de calcul, le nombre de « ODR » = office discipline referrals que nous traduisons par « Notifications d’écarts de comportements » NEC.

Etant donnés que les écarts de comportements mineurs qui se répètent trop souvent deviennent des écarts majeurs, nous utilisons l’acronyme neutre de NEC = notifications d’écarts de conduite qui désignent les signalements portés à la connaissance de la direction de l’école ou de l’équipe de pilotage. Il est logique et compréhensible que les écarts mineurs soient, eux, gérés par l’enseignant·e dans le cadre restreint de la classe et que seuls les écarts majeurs soient transmis à d’autres adultes de l’école.

EFFETS OBJECTIFS DU SCP

Le tableau 2 démontre que les mesures du SCP ont provoqué des baisses du nombre d’ECM qui, selon nos calculs, sont de 93 % pour l’école élémentaire et de 83 % pour la S1. L’amélioration est de l’ordre de 77% pour la S2 et de 43 % pour la dernière du tableau.

Ces baisses constituent à chaque fois une amélioration des conditions de travail de tous les acteurs. Leur variabilité pose la question de la multiplicité des facteurs qui peuvent influencer l’implantation réelle du SCP dans la vie de tous les jours, tout en validant l’ensemble des mesures prises pour assurer une implémentation réussie.

LIMITES DE L’ÉTUDE

Les auteurs ont l’honnêteté de rappeler les limites de leur étude : quand bien même elle se base sur des données objectives dûment mesurées, il ne s’agit que d’une analyse descriptive. Elle se limite à un nombre restreint d’établissements : 4 sur les 26 du Centre de Services Scolaire Marguerite Bourgeoys concernés.

Il est important de continuer à étudier le programme SCP dans différentes écoles et contextes pour mieux comprendre son impact. Il serait sans doute intéressant d’utiliser d’autres données que les NEC pour détecter des écarts de conduite qui se manifestent de manière plus discrète que les provocations conduisant à des mesures de renvoi des cours, par exemple.

CONCLUSIONS DES AUTEURS

Ils relèvent les implications positives du SCP, qu’elles soient organisationnelles, financières, éducatives, émotionnelles et comportementales, le plus souvent majeures. Par exemple, la réduction du nombre de NEC nécessitant le retrait des élèves de la classe signifie que les élèves sont exposés à davantage d’interactions avec les enseignants, ce qui peut avoir un impact sur leur apprentissage et faire gagner du temps aux adultes consacrés à la manipulation des renvois de classe, notamment.

De plus, Bradshaw et coll. (2021) ont démontré les économies de coûts associées aux SCP à long terme en termes de santé mentale, d’apprentissage scolaire et d’emploi. Par exemple, les améliorations observées dans le rendement scolaire peuvent se traduire par une plus grande probabilité d’obtenir un diplôme d’études secondaires et de trouver un emploi.

REMARQUES DE L’AUTEUR DE L’ARTICLE DE BLOG

On entend souvent les enseignant·e·s dire que les élèves ont changé et ce n’est pas faux. Mais ce qui frappe davantage, ce sont les injonctions qui sont faites aux adultes de passer d’interventions correctives des comportements – qui étaient parfois et qui restent encore quelque fois expéditives – à des prises en charge obligées de respecter les recommandations des psychologues et des droits de l’enfant.

Ces nouvelles contraintes institutionnelles deviennent plus faciles à appliquer lorsqu’elles s’insèrent dans des projets d’établissement directement inspirés du Soutien au comportement positif. Car le SCP permet de recourir à des bonnes pratiques dont l’efficacité a été validée par des recherches sérieuses.

Le SCP mise avec raison sur la force du collectif des adultes, recommande des démarches et interventions pédagogiques efficaces et pertinentes. Il fournit ainsi aux directions d’école des repères pour exercer un leadership éclairé sans lequel certains établissements sont menacés par une trop grand diversité de pratiques.  Quand l’école cède à des modes sans fondement scientifique, les élèves et leurs parents finissent par perdre confiance dans l’institution scolaire et faire chèrement payer ce qu’ils considèrent à juste titre comme un manque de professionnalisme.

OUVRAGES CITÉS OU MENTIONNÉS

Bocquillon, M., Bissonnette, S., Emond, M., & McIntosh, K. (2025). The Impact of Positive Behavioral Interventions and Supports on Office Discipline Referrals in Quebec Schools: A Descriptive Analysis. Journal of Positive Behavior Interventions, 10983007241312190.

Bradshaw, C. P., Lindstrom Johnson, S., Zhu, Y., & Pas, E. T. (2021). Scaling up behavioral health promotion efforts in Maryland: The economic benefit of positive behavioral interventions and supports. School Psychology Review, 50(1), 99–109. https://doi.org/10.1080/2372966X.2020.1823797

Cho Blair, K. S., Park, E. Y., & Kim, W. H. (2021). A meta‐analysis of Tier 2 interventions implemented within School‐Wide Positive Behavioral Interventions and Supports. Psychology in the Schools58(1), 141-161.

Dicke, T., Elling, J., Schmeck, A., & Leutner, D. (2015). Reducing reality shock: The effects of classroom management skills training on beginning teachers. Teaching and Teacher Education, 48, 1–12. https://doi.org/10.1016/j.tate .2015.01.013

Nelen, M. J. M., Willemse, T. M., van Oudheusden, M. A., & Goei, S. L. (2020). Cultural challenges in adapting SWPBIS to a Dutch context. Journal of Positive Behavior Interventions, 22(2), 105–115. https://doi.org/10.1177/1098300719876096

Sugai, G., & Horner, R. H. (2009). Defining and describing schoolwide positive behavior support. In W. Sailor, G. Dunlap, G. Sugai & R. Horner (Eds.), Handbook of positive behavior support (pp. 307–326). Springer.

Sugai, G., & Horner, R. H. (2020). Sustaining and scaling positive behavioral interventions and supports: Implementation drivers, outcomes, and considerations. Exceptional Children, 86(2), 120–136. https://doi.org/10.1177/0014402919855331

Sugai, G., Lewis-Palmer, T., Todd, A., & Horner, R. H. (2001). School-Wide Evaluation Tool. University of Oregon. Sugai, G., Sprague, J. R., Horner, R. H., & Walker, H. M. (2000). Preventing school violence: The use of office discipline referrals to assess and monitor school-wide discipline interventions. Journal of Emotional and Behavioral Disorders, 8, 94–101. https://doi.org/10.1177/1063426600008002

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