Vaut-il le peine d’investir dans la formation continue et, singulièrement dans la formation continue à l’enseignement explicite ?
Plus le temps passe, plus les autorités scolaires et politiques sont soumises à un double impératif : celui de rafraîchir les compétences des enseignant·e·s à une époque où les connaissances et les techniques évoluent à une vitesse folle, d’une part et, d’autre part, la nécessité de prouver que l’argent qu’elles dépensent se fait à bon escient.
Les retombées de cette double contrainte se font sentir sur la formation continue dans le monde scolaire. Au fil des années, on a vu les conditions de financement devenir toujours plus exigeantes en termes de finesse dans les projets présentés, de seuil minimal de participant·e·s autorisant l’ouverture des cours. Quand ceux-ci ont lieu, ils sont soumis à des évaluations que l’on confie le plus souvent à des organismes spécialisés, extérieurs à l’institution.
APPRENTISSAGES PROFESSIONNELS EFFECTUÉS PAR DES ENSEIGNANTS EN EXERCICE
Avant de revenir sur nos propres formations continues, je propose de dire quelques mots sur les recommandations et conclusions très professionnelles figurant dans un article de Marilyn Baillargeon et Mario Richard (2021).
Les deux chercheurs préfèrent parler d’activités relevant du développement professionnel plutôt que de formation continue.
L’un des points forts de leur article est de présenter cinq principes qui, selon eux, devraient traverser les projets de développement professionnel des enseignant·e·s :
- Le DP devrait viser explicitement l’amélioration de l’apprentissage des élèves et devrait être modulé à partir d’une évaluation systématique des résultats obtenus
- Les activités de DP devraient être étayées par des données probantes et être animées par des spécialistes dont l’expertise est reconnue
- Le DP devrait prévoir une démarche d’accompagnement reposant sur le travail collaboratif
- Le DP devrait être distribué dans le temps
- Le DP des enseignants doit être soutenu par une direction faisant preuve de leadership pédagogique
Conformément au premier principe énoncé ci-dessus, est-il possible aux auteurs d’affirmer que les élèves ont tiré bénéfice des différentes formules de développement professionnel suivie par leurs enseignant·e·s ?
En se basant sur les déclarations des enseignant·e·s, les chercheurs concluent que les retombées positives auprès des élèves sont manifestes :
LES RETOMBÉES PERÇUES SUR L’APPRENTISSAGE DES ÉLÈVES
Hausse de l’intérêt et de la motivation des élèves.
Cela s’explique « par le fait que les élèves comprennent mieux les objectifs, les attentes, les consignes et les explications. Par conséquent, ils parviennent à réaliser les tâches demandées, lorsqu’elles sont planifiées dans un ordre logique et progressif. De la même façon, ils « vivent » davantage de réussites. Chaque petite victoire compte et mérite d’être soulignée, ce qui engendre un effet positif sur l’estime de soi » [p.59]
Hausse de l’intérêt et de la motivation des élèves.
Cela s’explique « par le fait que les élèves comprennent mieux les objectifs, les attentes, les consignes et les explications. Par conséquent, ils parviennent à réaliser les tâches demandées, lorsqu’elles sont planifiées dans un ordre logique et progressif. De la même façon, ils « vivent » davantage de réussites. Chaque petite victoire compte et mérite d’être soulignée, ce qui engendre un effet positif sur l’estime de soi » [p.59]
Amélioration de l’attention et de la quantité de travail
Lorsque les « modelages sont plus clairs, précis et concis, les élèves se mettent plus rapidement à la tâche et profitent ainsi davantage de la rétroaction de leur enseignant. Le fait que l’enseignant vérifie la compréhension plus efficacement par l’utilisation d’un questionnement pédagogique fréquent et aléatoire permet aux élèves de profiter d’une rétroaction immédiate. Même chez les élèves performants […] l’enseignement explicite permet d’« aller chercher l’excellence ». [p.60]
Amélioration des résultats scolaires
Suite à un écoute plus soutenue des explications les savoirs sont mieux intégrés. Les élèves peuvent ensuite réinvestir les stratégies d’une discipline à l’autre.
IMPORTANCE DU LEADERSHIP DE L’ÉTABLISSEMENT SCOLAIRE
Les chercheurs font remarquer à juste titre que la direction de l’établissement scolaire peut jouer un rôle d’amplification des réformes. Il faut pour cela qu’elle s’intéresse de près, voire qu’elle suive elle-même les formations fondées sur des données probantes, qu’elle cherche et fournisse les moyens financiers et institutionnels pour articuler les réformes avec les autres priorités en cours. Quand il paraît évident que les réformes proposées reposent sur des données probantes et qu’elles ont été expérimentées avec succès par un premier groupe d’enseignants de l’établissement, il revient à la direction de s’appuyer sur eux pour généraliser ces bonnes pratiques.
QU’EN EST-IL DES FORMATIONS DE MOINS GRANDE ENVERGURE ?
Toutes les phases de développement professionnel n’atteignent pas l’ampleur de celles décrites dans l’article de Marilyn Baillargeon et Mario Richard (2021).
Tout au long de la douzaine d’années au cours desquelles nous avons proposé des formations d’introduction à l’enseignement explicite, nous avons pu constater que, malgré leurs dimensions plus modestes, elles provoquaient quand-même certains effets positifs récurrents.
VOICI LES PRINCIPAUX BÉNÉFICES
Les pédagogies fondées sur des données probantes doivent être privilégiées aux innovations non encore mises à l’épreuve de la recherche scientifique.
Il n’y a pas de honte à adopter des mesures ou des dispositifs pédagogiques qui ont fait leur preuve.
Enseigner les bonnes manières de faire aux élèves permet de gagner un temps précieux qui permet, ultérieurement, d’éprouver du plaisir à se servir des nouvelles compétences pour résoudre des situations problèmes, se livrer à des travaux ou à des jeux d’application à forte valeur ajoutée.
Avoir la capacité de faire progresser les élèves les plus en difficultés représente une satisfaction qui fait un bien fou à son propre sentiment d’efficacité personnelle.
Être conscient que certaines situations de la vie professionnelle ne peuvent être améliorées que par une concertation accrue entre les différents intervenants représente un soulagement, surtout lorsque l’on apprend comment rendre ces moments de réflexion véritablement efficients.
En guise de conclusion, nous citons une déclaration emblématique figurant dans l’évaluation d’un de nos cours, bilan effectué par un organisme indépendant : « C’était un cours enthousiasmant qui ouvre de belles perspectives. Les réflexions, les outils proposés et les exemples donnés sont des pépites pour poursuivre sereinement dans notre pratique professionnelle ».
PUBLICATION CITÉE ET RÉSUMÉE DANS CET ARTICLE DE BLOG
Baillargeon, M., & Richard, M. (2021). Les apprentissages professionnels effectués par des enseignants en exercice dans le cadre du cours hybride de 2e cycle L’enseignement explicite : fondements et pratiques. In M. Richard, S. Bissonnette, & É. Falardeau (Eds.), L’ enseignement explicite dans la francophonie: Fondements théoriques, recherches actuelles et données probantes (1st ed., pp. 31–64). Presses de l’Université du Québec. https://doi.org/10.2307/j.ctv224v143.7