Cela fait bientôt une quinzaine d’années que les recherches et publications de Henry L. Roediger ont insisté sur l’importance des tests dans les processus d’apprentissage et de mémorisation.

L’une des expériences qu’il a menées avec ses étudiants démontre ceci : la rétention à moyen terme d’éléments à mémoriser a été plus durable chez les sujets examinés lorsque des moments de révision (S) ont été remplacés par des tests successifs (T).

Le phénomène est contre-intuitif puisque les prédictions des sujets eux-mêmes se sont avérées assez justes pour une mémorisation à court terme – 5 minutes après l’apprentissage -, mais fausses sur le moyen terme – soit une semaine après le moment d’apprentissage.

D’autres études – dont celle de Sotola, L.K. et Crede, M. (2021) – ont confirmé ce genre de phénomène que l’on explique dorénavant par l’activation du processus dit de récupération. Les récitations régulières et les quiz ont ainsi toute leur place dans un enseignement bien conçu.

Dans un texte paru en août 2023, Murphy, D. et alii (2023) examinent différentes publications parues sur les tests afin de pouvoir apporter des précisions sur les thématiques suivantes :

  • Les différents types de tests possibles et leurs fonctions
  • L’intégration des tests dans la construction des séquences
  • Conseils quant à leur intégration dans les pratiques pédagogiques
  • Questions auxquelles les recherches scientifiques doivent encore répondre 

LES DIFFÉRENTS TYPES DE TESTS POSSIBLES ET LEURS FONCTIONS

En plus des tests traditionnels comportant des questions plus ou moins ouvertes ou fermées, portant sur la restitution d’informations ou sur l’aptitude à disserter à partir d’une problématique de départ , l’enseignant·e peut proposer des questionnaires à choix multiples (QCM), des affirmations vraies ou fausses (V/F), des sondages ou encore des jeux de révision à effectuer soit de manière individuelle soit en groupe.

D’une manière générale, les tests favorisent le processus de récupération des informations en incitant l’apprenant à créer des voies de récupération ou à renforcer celles qui existent déjà. Tests et quiz représentent ainsi par essence une aide à l’apprentissage sans se limiter pour autant à cette fonction. Ils fournissent aussi de précieuses informations à l’enseignant·e sur les notions qui sont passées sans problème ou qui, au contraire, n’ont pas été comprises par suffisamment d’élèves, exigeant ainsi de la part de l’enseignant·e de les réaborder en cours. On pourrait appeler cela une rétroaction à vocation auto-critique et cela, autant pour l’adulte que pour les apprenants.

Au travers du taux de bonnes et de mauvaises réponses obtenues, les uns et les autres devraient être capables de préciser quelles améliorations à apporter en termes de meilleure compréhension ou d’appropriation des nouvelles notions ou compétences. À moins qu’il ne s’agisse plutôt de repenser les stratégies d’apprentissage ou d’augmenter les efforts à porter sur l’entraînement de la fluidité ou du transfert des savoirs.

L’INTÉGRATION DES TESTS DANS LA CONSTRUCTION DES SÉQUENCES

Le moment du test se situe généralement à la fin d’une séquence d’enseignement et pourtant, rien n’empêche de s’en servir tout au long du processus d’apprentissage voire avant d’aborder un nouveau contenu. Tout dépend du but visé par l’enseignant·e lorsqu’il prend en compte la nature du contenu traité, de la facilité ou de la difficulté que cela représente pour ses élèves, de leur anxiété face à la matière, du niveau d’attention et de la qualité d’écoute qu’il sollicite de leur part.

En fonction de l’effet recherché, les tests seront longs ou courts, ils auront une pondération forte ou faible, ne porteront que sur des contenus récents ou plus anciens, seront composés par l’enseignant·e ou par les élèves eux-mêmes, afin de profiter de l’effet dit de génération de contenus. Lors de cette réflexion sur les objectifs visés, l’enseignant·e intégrera aussi la dimension anxiogène des évaluations. Il se souviendra alors que multiplier les tests courts et plutôt faciles en leur donnant une pondération faible permet d’augmenter la confiance en soi de l’élève et de diminuer ainsi sa peur des examens.

Le schéma ci-dessus – librement traduit de Murphy et alii (2023) – illustre deux façons de planifier son enseignement qui témoignent d’intentions pédagogiques assez différentes de la part de l’enseignant·e. La façon de procéder numéro deux vise une rétention plus précise et plus durable que la première. La multiplication des quiz permet à l’enseignant·e d’apporter des corrections plus immédiates des erreurs de compréhension de la part de ses élèves. C’est un premier élément à souligner. Le fait d’inclure dans les quiz des questions portant sur des notions plus anciennes favorise en outre une rétention à long terme. En appliquant la façon de procéder numéro 1, l’enseignant·e manifeste principalement un souci d’attester de la compréhension ou de la maîtrise des contenus enseignés, sans plus. Cette deuxième démarche a moins d’effets positifs auprès d’une population d’élèves qui ne peut compter sur des parents capables de leur inculquer les bonnes stratégies permettant d’effectuer des études longues.   

CONSEILS EN VUE DE L’INTÉGRATION DES TESTS ET DE LEUR USAGE DANS L’ENSEIGNEMENT

Les auteurs sont conscients du fait que les enseignant·e·s hésitent parfois à recourir aux tests en arguant du fait que les programmes sont très chargés et qu’ils peuvent ainsi apparaître comme un élément retardateur. Ils conseillent néanmoins d’y avoir recours au prétexte que les bénéfices en termes d’amélioration des apprentissages sont tels que chacun en profitera (voir la liste ci-dessous, librement traduite de l’anglais).

Murphy et alii (2023) font aussi remarquer que la technologie moderne facilite grandement la composition, la passation, la correction des tests et la compilation des résultats. Ils mentionnent au passage des logiciels tels que Mentimeter, Google Forms, Kahoot !, Poll Everywhere, en ne mentionnant toutefois pas Plickers.

NOTRE AVIS SUR L’APPLICATION PLICKERS

Lors des formations que nous dispensons, nous avons mis Plickers au programme après avoir constaté combien cette application comporte de mérites et suscite l’adhésion des enseignant·e·s : lors des quiz, elle permet en effet d’éviter que les élèves n’utilisent leurs smartphones, désormais souvent interdits dans les établissements scolaires, tout en bénéficiant quand-même des avantages de la numérisation rapide de feedbacks individuels. Avec Plickers, c’est l’enseignant·e qui se sert de son appareil pour scanner des sortes de QR Codes attribués aux élèves et ça fonctionne plutôt bien.

Plickers permet de travailler avec des QCM et de faire choisir les élèves entre 4 réponses différentes (ou moins, bien sûr), une seule étant correcte. Concernant les réponses fausses, les auteurs font remarquer que celles-ci peuvent être incongrues (et faire sourire les élèves) ou, au contraire, très proches de la bonne réponse, ce qui incite à un haut degré de précision dans la réflexion. Cette attention à porter aux détails de chacune des affirmations est elle-même formatrice. L’enseignant·e dispose à cet égard d’un levier pour rendre l’exercice soit facile à très facile ou bien au contraire exigeant à très exigeant.

QUESTIONS AUXQUELLES LES RECHERCHES SCIENTIFIQUES DOIVENT ENCORE RÉPONDRE 

En toute honnêteté, Murphy et alii (2023) font remarquer que la recherche scientifique doit encore se pencher sur un certain nombre de questions, et non des moindres.

Les bénéfices des tests varient-ils en fonction

  • Des connaissances antérieures des élèves ?
  • Des antécédents culturels des élèves ?
  • De leur statut économique et social ?
  • Du groupe de disciplines scolaires concernées ? Ont-ils les mêmes effets lors de l’enseignement des sciences humaines et des langues qu’avec celles du groupe STIM (sciences, techniques, ingénierie, maths) ?

MISES EN GARDE TIRÉES DE NOS PROPRES OBSERVATIONS

Les interrogations ci-dessus nous donnent l’occasion d’effectuer un certain nombre de mises en garde issues de l’observation de nombreux cours et travaux d’évaluation que nous avons pu effectuer lors de nos années de direction et de formation. Ces mises en garde ne figurent pas dans le texte de Murphy et alii (2023).

Le recours à des questions (avant même de parler de tests) ne doit pas remplacer une bonne amorce qui sert à introduire l’objet d’un cours ou d’une leçon et encore moins à masquer un manque de préparation.

Si l’enseignant·e pense pouvoir s’abstenir d’une bonne accroche ou d’une présentation claire et stimulante des objectifs d’apprentissage en les remplaçant par un moment de questions orales improvisées, le risque est fort d’ouvrir la porte à des errances voire à une prise du leadership par les élèves les plus désinhibés. Le cours peut alors mal débuter et amener des échanges interpersonnels incontrôlés donnant libre cours aux divagations, voire aux plaisanteries et aux moqueries.

Le recours à un quiz d’avant-cours comporte lui un autre danger encore. Il peut créer un décalage entre les élèves qui savent déjà beaucoup de choses et leurs camarades moins cultivés qui, dès lors, risquent de se replier sur eux-mêmes en se jugeant « nuls ». Ce type d’inhibition sociale peut avoir des retombées négatives qu’il convient d’éviter pour ne pas à avoir les réparer ultérieurement.

Autres risques – et non des moindres – à mentionner : celui d’un test qui arrive trop tôt et donne à l’élève l’impression qu’il ne parviendra « jamais » à comprendre la nouvelle matière. Il ne faudrait pas non plus que certain·e·s enseignant·e·s comptent sur un corpus d’explications distribuées en début de séquence assorti d’une batterie de tests pour croire qu’il n’est plus nécessaire de passer par les étapes du modelage, des pratiques guidées et autonomes ainsi que par la phase de consolidation, au sens où l’entendent Bocquillon, M. (2020), Gauthier, C. et alii (2013).

REMARQUE

Cet article de blog restitue en grande partie le contenu de la publication de Murphy et alii (2023) dont il n’existe pas de traduction française connue jusqu’ici.

PUBLICATIONS DE RÉFÉRENCE

Bocquillon, M. (2020) : Quel dispositif pour la formation initiale des enseignants ? Pour une observation outillée des gestes professionnels en référence au modèle de l’enseignement explicite, Université de Mons.

Gauthier, C., Bissonnette, S., Richard, M., Castongay, M. (2013) : Enseignement explicite et réussite éducative. La gestion des apprentissages. Montréal, Bruxelles : ERPI, de Boeck.

Hattie, J.A, & Timperley, H. (2007). The power of feedback. Review of Educational Research, 77 (1), 81-112.

Murphy, Dillon & Little, Jeri & Bjotk, Elizabeth. (2023). The Value of Using Tests in Education as Tools for Learning—Not Just for Assessment. Educational Psychology Review. 35. 10.1007/s10648-023-09808-3.

Roediger, H. L., Putnam, A. L., & Smith, M. A. (2011). Ten benefits of testing and their
applications to educational practice. In J. Mestre & B. Ross (Eds.), Psychology of learning and motivation: Cognition in education, (pp. 1-36). Oxford: Elsevier

Sotola, L.K., Crede, M. Regarding Class Quizzes: A Meta-analytic Synthesis of Studies on the Relationship Between Frequent Low-Stakes Testing and Class Performance. Educ Psychol Rev 33, 407–426 (2021)

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