L’un de nos articles précédents expliquait comment MM. Steve Bissonnette et Christian Boyer avaient mis sur pied et évalué un programme de rattrapage pour des élèves de l’école primaire souffrant de grandes difficultés en lecture.

DE LA STRATÉGIE AUX GESTES CONCRETS
Si nous y revenons aujourd’hui, c’est parce que la recherche citée n’entrait pas dans le détail des gestes posés au quotidien par les orthopédagogues et les enseignants. Ces détails avaient déjà été publiés en 2010 et leur importance justifie qu’on les évoque ci-après.

SAVOIR MOTIVER LES ÉLÈVES EN ÉCHEC
« Le programme orthopédagogique DIR en lecture – L’intervention intensive en lecture » de Christian Boyer (2010), permet de mettre en évidence d’autres aspects complémentaires mais tout aussi importants d’un programme de rattrapage, à savoir les gestes du pédagogue et/ou de l’orthopédagogue destinés à motiver les élèves en échec et à les faire travailler de manière efficace.
L’efficience et l’efficacité sont au cœur de la réflexion de Boyer. Une efficience et une efficacité qui ne se préoccupent pas que du court terme – comment obtenir des résultats dans l’immédiat-, mais se soucient tout autant des représentations que les dispositifs d’aide vont laisser auprès des élèves en difficulté. Sans qu’il ne le dise expressis verbis, il s’agit ici des sentiments d’auto-estime et d’efficacité personnelle dont l’importance dans le cursus scolaire a été soulignée par les disciples d’Albert Bandura, dont Thérèse Bouffard (voir l’article de blog que nous lui avons consacré).
Pour obtenir cette efficience, Boyer ne se limite pas aux paramètres évoqués dans l’article co-écrit avec Bissonnette : pertinence de la méthode, durée et intensité du soutien, effectif du groupe d’élèves en appui, taux d’adhésion des praticiens à la méthode.
Il en interroge d’autres tels que
• le système de renforcement béhavioral,
• le rythme des sujets présentés en séance,
• la durée des cours
• la longueur des pauses
• l’importance du lien pédagogique
• la collaboration avec les parents.

RYTHME DES ENSEIGNEMENTS

Devant la difficulté qu’ont les élèves à comprendre, le bon sens commanderait de ralentir le rythme ce que font la plupart des enseignants et des orthopédagogues. Or, non sans malice, Boyer réprouve la « lenteur digne d’une mélasse en vacances » p. 36. Il affirme au contraire que l’attention des élèves doit être maintenue par un contenu soutenu, rythmé, varié et interactif. Les activités proposées doivent dépasser le nombre de 7 à l’heure, être séparées par des transitions inférieures à 20 secondes. L’interactivité s’obtient en variant les sujets et les schémas de cours, en combinant travaux oraux et écrits, en alternant réponses en individuel ou en collectif.

DURÉE DES COURS ET DES PAUSES
Pour Boyer, la durée idéale d’un cours de rattrapage en français doit être de 120 minutes, au motif qu’il s’agit là du temps nécessaire pour produire des effets perceptibles et perçus non seulement par l’intervenant adulte mais encore et surtout par l’élève concerné. Cent-vingt minutes, c’est plutôt long, trop long sans doute pour maintenir l’intérêt des participants constamment éveillé. D’où la question de la durée de la pause. Boyer a commencé par proposer des récréations de 10 à 20 minutes avant de se raviser. C’est en ne leur accordant que 5 minutes que les élèves ont pu se détendre sans pour autant avoir besoin d’un trop gros effort pour se remettre au travail (pp. 33-34).

LES AIDES AUX EFFORTS EXCEPTIONNELS
Quand on demande à des élèves particulièrement faibles de fournir des efforts supérieurs à la moyenne de leurs camarades, il convient de leur insuffler une motivation elle aussi supérieure à la moyenne, selon Boyer à qui on ne peut que donner raison.

RENFORCER LA MOTIVATION INTRINSÈQUE
Il s’emploie donc à renforcer trois formes de motivation. La première, celle que l’on appelle intrinsèque découlera de l’intérêt et de la curiosité pour des textes et des ouvrages judicieusement choisis en fonction de leur contenu bien adapté aux caractéristiques de la population d’élèves prise en charge.

DEUX CAUSES DE MOTIVATION EXTRINSÈQUE
Les deux formes de motivation de type extrinsèque sont liées, pour la première à l’envie de plaire à l’enseignant et, pour la seconde à la volonté d’acquérir une gratification de type matériel. Un enseignant peut-il s’efforcer d’être suffisamment apprécié de ses élèves pour que les plus faibles aient envie de lui faire plaisir ? Boyer répond non seulement par l’affirmative mais il donne en plus des conseils pratiques pour pouvoir susciter de l’estime et de la connivence entre l’adulte et les enfants (pp. 42-44).
Quant à la motivation extrinsèque induite par le système de récompense, elle sera rendue possible par la mise à disposition d’un « magasin général » dans lequel les élèves ayant accompli les efforts les plus méritants pourront choisir ce qui leur fait plaisir.

SOLLICITER LA COLLABORATION DES PARENTS LES MOINS PRÉSENTS
Afin de s’assurer de la collaboration des parents d’élèves en échec, Boyer ira jusqu’à se rendre à leur propre domicile, soulignant le fait qu’ils sont souvent inhibés par la gêne, voire par une certaine forme de culpabilité qui les retient souvent de répondre aux demandes de contact des instances scolaires. Sur ce point, notre propre expérience nous a maintes fois montré qu’une démarche à domicile permet de comprendre et, très souvent, de dénouer des situations qui, sans cela seraient malheureusement restées bloquées.

DES AMBITIONS ÉLEVÉES POUR LUTTER CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE
Cela n’aura échappé à personne que mettre sur pied un dispositif de rattrapage n’a rien à voir avec une sorte de cours minimaliste et austère mais que, tout au contraire, il s’agit pour ses concepteurs et ses acteurs de faire preuve d’un déploiement d’énergie et de compétences dignes des meilleurs professionnels de l’enseignement. Et quand on parle d’ambition, il faut relever la finesse des outils proposés dans l’ouvrage dans le but d’effectuer des évaluations en capacité de lecture très pointues.
Au-delà des spécificités propres au contexte étudié par Boyer, ce qui nous paraît particulièrement nécessaire à retenir, c’est la démarche même d’élaboration d’une aide destinée aux élèves les plus fragiles. Elle repose sur des ambitions élevées, commence par le test d’une sorte de prototype d’aide dans le but de s’assurer qu’il produit tout ou partie des effets escomptés et se poursuit par des recherches et des ajustements successifs destinés à les maximaliser. Nous sommes là en présence d’un très bel exemple de dispositif pédagogique élaboré et amélioré en fonction de données probantes.

 

Ouvrage cité : Boyer, C. (2010) : Le programme orthopédagogique DIR en lectureL’intervention intensive en lecture. Québec : Les éditions de l’apprentissage.

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