Réunir l’enseignement explicite (EE), la Réponse à l’intervention (RàI) et le Soutien aux comportements positifs (SCP) dans une architecture pédagogique de soutiens à plusieurs niveaux crée un système qui agit simultanément sur l’instruction, les données d’intervention, le climat des classes et même de tout un établissement. Nous l’avons appliqué dans un établissement secondaire suisse pour élèves de 12 à 15 ans.

EFFICACITÉ FONDÉE SUR DES DONNÉES PROBANTES

La littérature montre que le SCP dispose d’une base probante robuste (y compris des essais randomisés et des méta-analyses) agissant efficacement sur le comportement, le climat et parfois l’assiduité des élèves. Les recherches attestent également que la RàI améliore les résultats lorsqu’elle est mise en œuvre avec un dépistage universel et un suivi des progrès, et que l’intégration de cadres de suivi à paliers multiples augmente l’efficacité et la qualité de leur implémentation. L’ensemble forme un levier complémentaire: l’enseignement explicite (EE) renforce la base de niveau 1, la réponse à l’intervention (RàI) permet d’ajuster les soutiens de niveaux 2 et 3 avec des données récoltées sur le terrain, alors que le Soutien aux comportements positifs (SCP) libère du temps d’apprentissage en stabilisant les routines et l’engagement.

POURQUOI L’ASSOCIATION EE, RÀI ET SCP EST COHÉRENTE

Solide assise de niveau 1

L’EE clarifie les objectifs d’apprentissage, les phases d’enseignement qui recommandent l’alternance entre pratique guidée, accompagnée et indépendante. L’EE garantit une vérification régulière de la compréhension en recommandant de chercher continuellement des feedback. Cela renforce la cohérence des approches pédagogiques individuelles et réduit le nombre d’élèves nécessitant des soutiens supplémentaires.
Le niveau de guidance de l’EE est également susceptible de varier, voire de s’estomper lorsque les élèves font face à des contenus dont ils maîtrisent les connaissances de base et les démarches capables de les traiter avec une autonomie croissante.

 Rationalisation des niveaux 2 et 3 

La RàI intègre le dépistage universel, favorise le suivi fréquent et l’ajustement d’intensité en visant l’élaboration de dispositifs d’intervention dans et hors des classes.

Climat et comportements:

Le SCP enseigne et renforce explicitement les attentes comportementales, ce qui augmente le temps d’engagement et la disponibilité cognitive pour l’acquisition des compétences visées.

Synergie d’équipe:

La RàI et le SCP partagent des logiques de données et de paliers; les fusionner dans un système de soutien mult-iniveaux académique-comportemental réduit la charge opérationnelle et améliore la fidélité d’implémentation.

CE QUE DISENT LES MÉTA‑RECHERCHES ET REVUES

Le SCP est un ensemble d’interventions à caractère comportemental

Des études de qualité (essais contrôlés randomisés, quasi‑expérimentations, séries temporelles, méta‑analyses) montrent des effets positifs sur la réduction des exclusions disciplinaires, l’amélioration du climat scolaire, de la sécurité, du comportement prosocial, ainsi que sur les performances académiques selon les contextes. Cette base probante est organisée par paliers (1, 2, 3) et niveaux scolaires, ce qui facilite l’alignement avec une architecture pédagogique de soutiens à plusieurs niveaux.

Réponses à l’intervention RàI

Les méta‑analyses sur la RàI indiquent que les modèles à paliers, lorsqu’ils s’appuient sur un dépistage universel fiable, un suivi des progrès fréquent et des interventions fondées sur des preuves (en lecture, maths et maîtrise de la langue), produisent des gains significatifs, notamment pour les élèves à risque et les apprenants de langue seconde, avec des effets plus forts quand la fidélité est élevée et l’intensité ajustée aux données.

Intégration de cadres à paliers multiples

Des travaux de synthèse sur l’intégration de cadres de prévention (par ex. SCP et apprentissages socio‑émotionnels) concluent qu’une approche intégrée à paliers multiples accroît l’efficacité, évite les dispositifs parallèles et améliore la qualité d’implémentation. Les auteurs recommandent des systèmes et routines communs (équipes, données, pratiques), ce qui correspond précisément à l’arrimage SCP + RàI + EE dans une architecture pédagogique de soutiens à plusieurs niveaux.

RÔLES COMPLÉMENTAIRES DANS UNE STRUCTURE PÉDAGOGIQUE À MULTI-NIVEAUX.

Composantes
Cible principale
Mécanismes clés
Effet attendu
Enseignement expliciteMaîtrise académique de baseObjectifs clairs, modelage, pratique guidée/indépendante, feedback, contrôle de compréhension, mémorisation de longue duréePlus d’élèves réussissent en universel; besoin réduit d’interventions de Niv. 2–3
RAI (Niv. 2–3)Difficultés persistantesDépistage universel, suivi des progrès, décision basée sur les données réelles, intensification pour les Niv. 2 et 3.Gains ciblés pour élèves à risque; efficience des ressources.
SCP (Niv. 1–3)Climat, comportements, engagementEnseignement des attentes, renforcement, routines, réponses cohérentesPlus de temps d’apprentissage; moins d’exclusions et de perturbations.
Mesures individualisées pour les Niv. 2 et 3.

UN MODÈLE D’INTÉGRATION PRÊT À L’EMPLOI ET SES COMPOSANTES

Gouvernance et données

Équipe pluridisciplinaire et interprofessionnelle unique: représentants pédagogie, vie scolaire, spécialisé, psychologie scolaire, équipe managériale.

Tableau de bord unifié: dépistage académique (p.ex. fluence lecture) + indicateurs comportementaux (p.ex. passages au bureau, retards, suspensions); revues de données toutes les 4–6 semaines.

Protocoles décisionnels: seuils explicites d’entrée/sortie dans les niveaux 2–3, règles d’intensification/désintensification de la RàI.

Niveau 1 (100% des élèves)

Instruction: leçons construites selon l’EE avec objectifs observables, modelage pas‑à‑pas, pratique guidée, vérification formative à fort taux de réponse.

Climat: matrice du SCP de 3–4 attentes découlant de 3-4 valeurs communes, enseignées explicitement, affichées et renforcées; routines d’entrée/sortie, transitions, demandes d’aide.

Évaluation: contrôles fréquents de maîtrise (académique) et suivi de comportements majeurs/mineurs (comportemental).

Niveau 2 (≈10–15% des élèves)

Académique: petites‑groupes standards fondés sur des besoins dûment identifés (p.ex. décodage/fluences, stratégies de résolution).

Comportement: interventions ciblées (p.ex. Check‑In/Check‑Out, renforcement différentiel).

Monitoring: mesures hebdomadaires (académiques) et décomptes comportementaux; décisions par analyse de données chiffrées.

Niveau 3 (≈1–5% des élèves)

Académique: intensification (plus de temps, taille de groupe réduite, instruction encore plus explicitée et cumulée).

Comportement: plans individualisés fonctionnels, enseignement d’habiletés de remplacement, coordination avec des services externes.

Fidélité: checklists d’adhérence, coaching, observations croisées.

POUR OBJECTIVER LES EFFETS, IL CONVIENT D’OBSERVER LES INDICATEURS SUIVANTS :

Académiques: pourcentage d’élèves au‑dessus/en dessous du seuil aux dépistages universels; taux de maîtrise par unité; croissance périodique en points‑étalons RàI.

Comportement/Climat: temps d’engagement actif, nombre d’incidents majeurs/mineurs par 100 élèves, suspensions, perception de climat.

Fidélité: score d’implémentation du SCP par domaine; checklists de pratiques d’EE; intégrité des protocoles RàI (fréquence de monitoring, respect des mesures prévues et des protocoles).

RISQUES COURANTS ET GARDE‑FOUS

Silos parallèles: veiller à ce que les données de la RàI et du SCP ne s’isolent pas les unes les autres.
Garde‑fou: une seule équipe et un seul calendrier d’analyse des données.

Dérive de fidélité: pratiques EE inconstantes, renforcement SCP absent ou insuffisant.
Garde‑fou: coaching de proximité, observations brèves, feedback rapide, visite de cours dysfonctionnels, fixation d’axes de travail.

Surcharge d’interventions: trop de programmes de Niveau 2 ou 3.
Garde‑fou: menu restreint fondé sur des preuves objectives, critères clairs d’éligibilité/sortie, formation à la différenciation forte.

CONCLUSION

Fusionner l’enseignement explicite (EE), la réponse à l’intervention (RàI) et le soutien aux comportements positifs (SCP) dans une architecture pédagogique globale permet de créer un système synergique qui optimise simultanément l’instruction et les données d’intervention tout en apaisant parallèlement les tensions entre partenaires. Une approche intégrée de cette nature, fondée sur des données probantes, maximise les ressources et renforce l’efficacité des acteurs à tous les niveaux.
Dans notre établissement scolaire situé en réseau d’enseignement prioritaire, intégrant des adolescents de 12 à 16 ans, l’application de ces solutions a significativement amélioré les résultats scolaires, le climat de l’établissement et le bien-être des élèves comme des adultes, tout en réduisant le besoin d’interventions supplémentaires.

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

Bressoux, P., L’enseignement explicite : de quoi s’agit-il, pourquoi ça marche et dans quelles conditions ? in Dehaene, S. (2024) Science et Ecole : ensemble pour mieux apprendre, Odile Jacob, pp.213-232, 2024, 9782415007690. ⟨hal-04748434⟩
Gauthier, C., Bissonnette, S. (2024) : Enseignement explicite et données probantes. 40 stratégies pédagogiques efficaces pour la classe et l’école. Montréal : Chenelière Education.
Gersten, R., Haymond, K., Newman-Gonchar, R., Dimino, J., & Jayanthi, M. (2020). Meta-Analysis of the Impact of Reading Interventions for Students in the Primary Grades. Journal of Research on Educational Effectiveness, 13(2), 401–427. https://doi.org/10.1080/19345747.2019.1689591
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