En 2024, la Convention des Nations Unies des droits de l’enfant est pleinement en vigueur, et des ouvrages tels que “L’impasse de la punition à l’école” d’Éric Debarbieux soulignent la nécessité d’évoluer vers des pratiques éducatives plus respectueuses. Si l’adoption des principes de la discipline positive, défendue par des experts tels que Kazdin A., Ramus F., Bissonnette S. et Bocquillon M., fait consensus, leur mise en œuvre concrète en classe soulève encore des défis pour les enseignant·e·s.

La gestion du “niveau 1” de la réponse à l’intervention, c’est-à-dire l’établissement et le renforcement des règles et des comportements attendus, semble bien maîtrisée grâce aux nombreux outils et ressources disponibles. Environ 80% des élèves répondent positivement à cette approche.

GESTION DES COMPORTEMENTS DIFFICILES EN CLASSE : LE DÉFI DU NIVEAU 2

Paradoxalement, le niveau 3, impliquant des comportements graves comme la violence physique ou la destruction de biens, est plus simple à gérer. La législation est claire : l’enseignant transmet l’affaire à sa hiérarchie, qui peut prendre des mesures telles que la mise à l’écart, le changement de classe ou d’école, avec alerte solennelle aux parents.

C’est au niveau 2 que les choses se compliquent. Imaginez un enseignant d’école primaire qui, malgré ses efforts répétés pour expliquer et faire respecter les bons comportements, se heurte à la résistance persistante d’un ou deux élèves. Elle se manifeste par un manque d’attention flagrant ou des provocations. Pour éviter que ces comportements ne se propagent, une ou plusieurs sanctions semblent nécessaires. Mais lesquelles ?

SANCTIONS SCOLAIRES : ENTRE RECOMMANDATIONS ET RÉALITÉ DU TERRAIN

Selon les recommandations internationales (Power, C., 2005) et des études récentes (Leijten, P., 2019; Dadds, M. R., 2019) , il serait alors pertinent de priver les élèves d’un avantage ou de les confronter aux conséquences négatives de leurs actes. Cela pourrait se traduire par une réduction du temps de récréation ou une mise à l’écart temporaire du groupe.

Cependant, ces mesures sont parfois déconseillées, voire interdites par les règlements scolaires. De telles restrictions, qu’elles soient réelles ou relevant d’une mauvaise interprétation des directives, peuvent avoir des conséquences néfastes pour plusieurs raisons :

  • Elles incitent l’adulte à retarder son intervention, ce qui affaiblit son autorité et remet en question la crédibilité du cadre établi.
  • Elles empêchent la mise en place de sanctions simples, rapides et symboliquement fortes, telles que la mise à l’écart momentanée, la privation d’activités récréatives ou la retenue immédiate, réputées efficaces pour maintenir l’ordre.
  • Les enseignants débutants, déjà surchargés, préfèrent souvent ne pas intervenir plutôt que d’être accusés d’appliquer une justice vide de sens.
  • La crainte d’être remis en question par la hiérarchie ou les parents avec, pour conséquence de passer du statut de représentant de l’autorité à celui d’accusé contraint les enseignants à ne pas prendre de décision ferme. Or cette forme de gêne peut avoir des conséquences majeures sur la motivation à rester dans la profession, notamment en début et en fin de carrière.

LES EFFETS NÉGATIFS DE L’INACTION CONTRAINTE DE L’ADULTE FACE AUX ÉCARTS DE MOYENNE GRAVITÉ

Le pire scénario est celui où l’enseignant, conscient des limites de son pouvoir d’action, ne réagit plus que par de simples rappels à l’ordre face aux écarts de gravité moyenne. L’élève perturbateur, sentant cette impunité, risque alors d’intensifier ses comportements jusqu’à commettre un acte grave nécessitant l’intervention de la direction.

Bien que la direction dispose de mesures nettement plus lourdes sur le plan symbolique et administratif, le retour de l’élève dans sa classe ne se fait pas sans autre. Après des sanctions sévères telles que le déplacement d’une école ou d’une classe à l’autre, l’élève est marqué. L’enseignant doit alors à gérer un enfant étiqueté “difficile”, avec les conséquences que cela implique : effet Golem, rôle de caïd à tenir devant les autres, sentiment de honte pour la famille et l’intéressé, liens de confiance avec l’institution scolaire altérés.

CONCLUSION : L’IMPORTANCE DES SANCTIONS SYMBOLIQUES POUR UNE GESTION DE CLASSE EFFICACE

Pour le bien-être de toute la communauté scolaire et la santé des enseignants, il est crucial de leur permettre d’appliquer des mesures disciplinaires ayant un véritable impact symbolique sur la vie collective, tant au sein de la classe que de l’établissement. Les sanctions modérées ne remplacent pas le travail éducatif de fond, mais leur absence peut engendrer des effets pervers tant sur les élèves que sur les adultes. Cette problématique mériterait une attention accrue de la part de la recherche que l’on pourrait résumer ainsi : « Comment concilier l’importance de défendre les règles et la justice dans l’école, sans pour autant négliger l’éducation des élèves en difficulté ? »

OUVRAGES ET ÉTUDES DE RÉFÉRENCE :

Dadds, M. R., & Tully, L. A. (2019). What is it to discipline a child : What should it be? A reanalysis of time-out from the perspective of child mental health, attachment, and trauma. American Psychologist, 74(7), 794‑808. https://doi.org/10.1037/amp0000449

Power, C., Hart, S. N. (2005): The way forward to constructive child discipline, Eliminating corporal punishment: the way forward to constructive child (p. 91-128), UNESCO.

Bissonnette, S., Gauthier, C., Castonguay, M. (2017) : L’enseignement explicite des comportements. Pour une gestion efficace des élèves en classe et dans l’école, Chenelière Education.

Gauthier, C., Bissonnette, S. (2024) : Enseignement explicite et données probantes. 40 stratégies pédagogiques efficaces pour la classe et l’école. Montréal : Chenelière Education.

Bocquillon, M., Baco, C., Derobertmasure, A., Demeuse, M. (2024). Enseignement explicite : pratiques et stratégies. Quand l’enseignant fait la différence. De Boeck supérieur.

Richoz, J.-C.  (2018) : Prévenir et gérer l’indiscipline dans les classes primaires et secondaires, Favre.

Leijten, P., Gardner, F., Melendez-Torres, G. J., van Aar, J., Hutchings, J., Schulz, S., Knerr, W., & Overbeek, G. (2019). Meta-Analyses : Key Parenting Program Components for Disruptive Child Behavior. Journal of the American Academy of Child & Adolescent Psychiatry, 58(2), 180‑190. https://doi.org/10.1016/j.jaac.2018.07.900

Debarbieux, É. (2018). L’impasse de la punition à l’école: Des solutions alternatives en classe. Armand Colin.

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