Le confinement imposé par la pandémie du Covid-19 a souligné l’importance de la relation pédagogique. Au-delà de ce moment de crise, que disent les recherches de niveau universitaire à propos de l’effet du personnel enseignant sur les élèves ? Joue-t-il un rôle si important que cela ou n’est-il qu’un des multiples facteurs d’influence, quelque part entre le milieu familial, la motivation intrinsèque des sujets et la culture de l’établissement ?
QUAND LA RECHERCHE APPELLE UN CHAT UN CHAT
La recherche publiée en 1996 par William L. Sanders et June C. Rivers, intitulée Cumulative and Residual Effects of Teachers on Future Student Academic Achievement n’y va pas par quatre chemins. Elle propose ni plus ni moins d’examiner les effets positifs ou négatifs provoqués par les interventions d’enseignantes et d’enseignants rangés en cinq catégories avec, aux deux extrêmes, celles et ceux qui sont efficaces, d’une part et, de l’autre, leurs contraires, à savoir les profs qui manquent d’efficacité.
DES RÉSULTATS SANS FARD
Les conclusions sont claires et nettes. Comme on peut le voir dans les graphiques ci-dessous : être confié à un prof efficace peut vous faire réussir une année scolaire là où, livré à un professionnel de moins d’efficacité, vous auriez tout simplement échoué. Et cela, en l’espace de dix mois à peine !
COMMENT DÉFINIR L’EFFICACITÉ OU LE PEU D’EFFICACITÉ D’UN·E ENSEIGNANT·E ?
Dans la plus pure tradition du pragmatisme étasunien, les auteurs vont puiser sans complexe dans une base de données (de plusieurs millions de résultats collectés à partir de 1990) pour classer les enseignants obtenant les moins bons résultats – de niveau 1, donc très peu efficaces – jusqu’à ceux que les scores d’élèves permettent de qualifier de très efficaces – de niveau 5. Dans un deuxième temps, cette même base de données intitulée Tennessee Value-Added Assessment System (TVAAS) servira également à enregistrer et à traiter les données permettant les conclusions mentionnées ici.
QU’EN EST-IL DES ÉLÈVES DE NIVEAU MOYEN ?
Quand la recherche mesure l’effet que provoquent sur eux les plus ou moins bons maîtres tout au long de trois années, les résultats indiquent une fois encore leur très grande influence.
Trois années passées avec un enseignant de peu d’efficacité produisent des effets négatifs auprès des élèves moyens qui perdent leur niveau de départ et rejoignent le groupe des faibles.
LES DÉCLARATIONS DE JOHN HATTIE
Sept ans après Sanders et Rivers, au terme d’une très large méta-étude, John Hattie constate : “Dans ma synthèse de plus de 500 000 études sur les effets [d’influence] sur la réussite des élèves, on peut montrer que presque tout ce que nous faisons au nom de l’éducation a un effet positif”. Mais il ajoute aussitôt : “L’objectif doit être d’identifier les attributs qui ont un effet marqué et significatif sur l’apprentissage des élèves – pas seulement un effet positif (supérieur à zéro)”. Et quand il est question d’identifier ces attributs significatifs « C’est là, écrit-il, que les excellents enseignants se mettent en évidence – car l’excellence dans l’enseignement est l’influence la plus puissante sur la réussite ».
ENSEIGNANTS EXPERTS ET ENSEIGNANTS AVEC EXPÉRIENCE
Plus prudent et diplomate que Sanders et Rivers, John Hattie parle d’enseignants « experts », qu’il distingue des enseignants « ayant de l’expérience ».
Les caractéristiques des enseignants experts, Hattie va jusqu’à les identifier et les énumérer en termes de bons gestes professionnels mais également sur la base des effets heureux qu’ils ont sur leur public ainsi que sur leur manière de traiter savoirs et savoir-faire enseignés. Nous y reviendrons dans un autre blog.
LE COUP DE GUEULE DE JOHN HATTIE
« Nous avons d’excellents enseignants dans nos écoles de Nouvelle Zélande – écrit-il -, mais nous avons une réticence à identifier une telle excellence dans la crainte que les autres puissent être jugés comme non excellents ».
« Nous travaillons sur l’hypothèse absurde que tous les enseignants sont égaux, ce qui n’est validé par aucun enfant, aucun parent, aucun directeur et bien connu des collègues.
« Toutes les autres professions reconnaissent et apprécient l’excellence mais, dans l’enseignement, nous récompensons principalement l’expérience, indépendamment de l’excellence […] »
DE L’IMPORTANCE DE LA FORMATION ET DU PERFECTIONNEMENT PÉDAGOGIQUE
La dichotomie existant entre les constats que font élèves, parents, directions d’école et mêmes collègues en privé à propos de l’efficacité des enseignants et la passivité voulue ou subie par les décideurs face à certaines situations douloureuses et compliquées est un problème qui concerne bien d’autres pays que la Nouvelle Zélande et qui ne date pas d’aujourd’hui.
L’un des moyens d’y remédier passe par la formation continue des enseignants. Sur ce point, Hattie s’exprime une fois de plus en des termes très directs :
« Nous fixons rarement des objectifs de développement professionnel aux enseignants alors que nous laissons certains d’entre eux se servir de la dernière mode, du dernier gadget, de la dernière tendance politique pour définir les grands thèmes du perfectionnement pédagogique ».
Plus l’importance des enseignants sur la destinée des élèves sera reconnue et plus la question de la qualification des professionnels s’imposera comme un thème majeur, nécessitant la plus grande attention des pouvoirs publics et des directions d’institutions privées.
PUBLICATIONS CITÉES DANS L’ARTICLE
Sanders, W. & Rivers, J. (1996). Cumulative and Residual Effects of Teachers on Future Student Academic, University of Tennessee Value-Added Research and Assessment Center.
https://www.beteronderwijsnederland.nl/files/cumulative%20and%20residual%20effects%20of%20teachers.pdf
Hattie, J. (2003, October). Teachers make a difference: What is the research evidence? Paper presented at the ACER Research Conference, Melbourne, Australia.
https://research.acer.edu.au/cgi/viewcontent.cgi?article=1003&context=research_conference_2003