L’intégration d’élèves migrants constitue un défi pour les instances gouvernementales et pour le personnel enseignant. Pour les premiers, il est d’ordre organisationnel et financier alors que, pour les autres, il relève plutôt de la pédagogie, de la communication et du bien-vivre ensemble.
L’EXIL DES UKRAINIENS FUYANT LA GUERRE
Le nombre de réfugiés ukrainiens croît de jour en jour. La vague touche principalement les pays limitrophes mais elle entraînera aussi des répercussions fortes en Europe de l’Ouest. En Suisse, au 20 mars, les autorités s’attendent à l’arrivée de 60’000 personnes, dont 24’000 jeunes qu’il s’agira d’intégrer dans les écoles et les instituts de formation.
Face à un tel défi, nous souhaitons contribuer à l’inventaire de ressources pédagogiques offertes au grand public. Nous en profitons pour effectuer quelques rappels concernant les bonnes pratiques à recommander en matière d’accueil et d’intégration.
TRADUCTION INSTANTANÉE
Lors de l’accueil d’un élève et de sa famille, l’idéal est de pouvoir compter sur les services d’une traductrice ou d’un traducteur. Quand ce n’est pas possible et qu’il faut se débrouiller avec les moyens du bord, la solution passe par le recours à des applications de traduction en ligne.
L’application « Google translate » est gratuite et téléchargeable sur smartphone. Elle permet de dicter des phrases en français et de recevoir quasi instantanément la traduction en ukrainien. Il en existe d’autres, bien sûr, que je n’ai pas eu le temps de tester.
APPRENTISSAGE DE L’ALPHABET LATIN
Il existe un tutoriel pour les Ukrainiens sur Youtube à l’adresse suivante : https://www.youtube.com/watch?v=19VOhqnhro0 . Les deux enseignants donnent des explications en ukrainien, expliquent les lettres de l’alphabet latin en ukrainien puis proposent des exercices d’application.
KIT D’ACCUEIL ET DES BONNES PRATIQUES D’INTÉGRATION
Un kit du premier accueil, conçu et édité par la Haute école pédagogique Bejune est téléchargeable gratuitement à l’adresse : https://www.hep-bejune.ch/Htdocs/Files/v/7106.pdf
On y trouve, entre autres très bonnes choses, un modèle de « contrat d’accompagnement par un·e autre élève ».
ACTIVITÉS DE SENSIBILISATION À L’ACCUEIL DES RÉFUGIÉS PAR LES ÉLÈVES
https://www.kiknet-sem.org/la-migration-nous-concerne/
On y trouve des documents destinés à faire comprendre aux élèves de nos classes les souffrances et la tragédie que vivent tous les réfugiés.
APPRENTISSAGE DU VOCABULAIRE ÉLÉMENTAIRE (NIVEAU ÉCOLE PRIMAIRE)
Le site Quizzlet propose des fiches créées par Mme Caroline Frésard pour apprendre l’alphabet … et bien d’autres mots encore. C’est ici : https://quizlet.com/Caroline_Fresard
APPRENTISSAGE DU VOCABULAIRE PAR THÈMES (TOUS NIVEAUX)
https://www.youtube.com/watch?v=paxYI0bM4zE Leçon 1 – Les personnes
https://www.youtube.com/watch?v=WBHu_4lBBLg Leçon 2 – La famille
https://www.youtube.com/watch?v=eMtryl2988w Leçon 3 – Faire connaissance
https://www.youtube.com/watch?v=kO1YWz0l4eQ Leçon 4 – À l’école
https://www.youtube.com/watch?v=vlmJUBs998w Leçon 17 – À la maison
https://www.youtube.com/watch?v=47btRuX9lfs Leçon 15 – Fruits et aliments
https://www.youtube.com/watch?v=9mMcLHYXe-8 Leçon 11 – Les mois de l’année
https://www.youtube.com/watch?v=w9Qft25oijI Leçon 12 Boire – Les boissons
https://www.youtube.com/watch?v=VasP_wrBif8 Leçon 13 – Les activités
https://www.youtube.com/watch?v=odROKAOtr_c Leçon 19 – Cuisiner
https://www.youtube.com/watch?v=XzzHRqhcTnc Leçon 20 – Recevoir qqn chez soi
DICTIONNAIRE ABRÉGÉ FRANÇAIS-UKRAINIEN ET GUIDE DE CONVERSATION
Ce dictionnaire simple et bon marché est en fait un lexique de mots français fournissant leur traduction en ukrainien et vice-versa. Le guide pratique contient un glossaire avec écriture en phonétique.
SITE COMPORTANT PLUSIEURS LIENS VERS DES DOCUMENTS CRÉÉS PAR DES ORGANISMES DE FRANCE
Le blog ci-dessous propose toute une série d’adresses et de documents qui utilisent la terminologie en vigueur dans les écoles et les universités françaises.
http://laclassedepepe.over-blog.com/2022/03/accueillir-un-enfant-allophones/ukrainien.html
IMPORTANCE DU PREMIER CONTACT
Quand l’arrivée des migrants se fait par des canaux administratifs impersonnels, le premier contact doit être soigneusement préparé, toute institution suscitant craintes et espoirs de la part de ses usagers.
Les réfugiés devraient être reçus par la plus haute instance de l’établissement, avec les personnes qui vont jouer un rôle clé dans la vie quotidienne de l’élève. La participation d’un interprète représente un avantage indéniable à qui peut l’obtenir.
L’enfant, son représentant légal se sentiront rassurés si leurs interlocuteurs ont à cœur de s’intéresser à la bonne manière de prononcer leurs nom et prénom, s’ils s’informent avec sincérité et les écoutent à propos de la façon dont l’élève a été scolarisé avant sa fuite, s’ils lui fournissent des documents clairs et explicites concernant l’école, l’horaire, les usages en vigueur, le cursus scolaire, le nom et le numéro de téléphone des personnes ressources.
Si l’élève ou ses parents ont des problèmes de lecture de l’écriture latine, les documents peuvent recourir à des symboles faciles à comprendre et à retenir.
Dessins originaux tirés du Kit du premier accueil de la Haute école pédagogique Bejune : https://www.hep-bejune.ch/Htdocs/Files/v/7106.pdf
NE PAS CRAINDRE DE DONNER DES INFORMATIONS QUI PARAISSENT TRIVIALES
Il est nécessaire de communiquer des informations très concrètes telles que le plan de l’établissement, l’horaire hebdomadaire, le plan du système scolaire et sa traduction, un résumé du règlement, etc.
Avant de clore les échanges, il convient encore de fixer une nouvelle date de rencontre pas trop éloignée dans le temps. Les uns et les autres pourront alors effectuer un bilan des premiers jours d’intégration.
DIFFÉRENCES CULTURELLES (selon Olga Schilling, Ukrainienne habitant aux Pays-Bas)
Pour éviter des tensions, il faut se rappeler que notre façon de vivre n’est pas universelle. Nous avons nos habitudes et les réfugiés avaient les leurs. Nous reproduisons ci-dessous quelques remarques et observations proposées par une Ukrainienne habitant aux Pays-Bas.
Les Ukrainiens sourient moins souvent que nous. Par exemple, il est inhabituel de sourire à un étranger dans la rue. Bien sûr, vous vous attendez à un sourire quand vous rendez service à un Ukrainien. Ne pensez pas qu’il est ingrat parce qu’il a l’air sérieux, ce n’est pas le cas !
Les Ukrainiens ne sont pas habitués à accepter les faveurs immédiatement. Il est courant qu’ils disent deux fois ne rien vouloir manger ni boire, et que, après deux offres, ils finissent par accepter.
Beaucoup d’Ukrainiens (52%) n’ont pas séjourné à l’étranger. Aller au supermarché ou trier les déchets ménagers : tout est nouveau pour certains d’entre eux. Il se peut que la famille préfère rester à la maison durant les premiers jours après leur départ d’Ukraine.
Les Ukrainiens aiment boire du thé noir avec du citron, adorent le lait concentré et le sarrasin.
Le repas de midi est souvent le repas principal en Ukraine.
Le pain peut être considéré comme n’étant « pas bon pour la santé » alors que les produits laitiers entiers sont réputés sains. Au lieu d’un sandwich, une mère ukrainienne préfèrera donner de la soupe à ses enfants plutôt que du pain.
Il n’y a pas d’assurance maladie en Ukraine. Il se peut donc que la famille nouvellement arrivée ait besoin d’aide pour arriver à gérer cette problématique.
Informations élaborées par Olga Schilling, Ukrainienne habitant aux Pays-Bas, traduites et complétées en allemand par Ute Limacher-Riebold et Olena Goloborodko. Adaptation en langue française par nos soins.
LE TEST D’ÉVALUATION DES COMPÉTENCES
Il est bien d’expliquer au responsable légal et à l’élève qu’une évaluation des compétences via un ou plusieurs tests sera nécessaire. Selon les pratiques en vigueur, ce test pourra se faire plus ou moins rapidement, en fonction de l’âge et de l’état psycho-affectif de l’élève. La peur d’échouer ou d’être définitivement jugé ressentie par l’élève migrant ou par ses responsables légaux doit être prise en compte et tempérée par des explications destinées à faire comprendre que le but visé est une intégration qui soit la plus pertinente et la plus harmonieuse possible.
Il convient aussi de rappeler que, dans la plupart de nos systèmes scolaires, il existe des passerelles. Tout au long de la scolarité, elles permettent de corriger les orientations qui ne correspondraient plus aux réelles capacités d’un élève en processus d’intégration.
TESTS À TÉLÉCHARGER
Si les écoles concernées n’en ont pas de leur cru, des tests en langue ukrainienne peuvent être téléchargés sur le site de la Confédération suisse, élaborés à partir du nombre d’années de scolarisation et par discipline scolaire. Ces tests portent sur les capacités langagières. Tant sur la compréhension au sens large (comprendre un texte, savoir lire des consignes, savoir interpréter un graphique, être capable d’effectuer des déductions) que sur l’expression écrite dans sa langue maternelle.
Ces tests sont téléchargeables à ce lien (il faut “scroller” jusqu’au bas de la liste pour trouver les tests en langue ukrainienne) :
https://www.erstsprachkompetenz.ch/fr/grilles-devaluation/
Il y a 4 niveaux possibles : le premier pour élèves ayant été scolarisés entre 0 et 2 années, puis entre 3 et 4, puis entre 5 et 6 et enfin entre 7 et 9 années.
Nous n’avons pas trouvé de corrigé. Il suffit de faire soi-même les tests en français pour connaître les réponses aux QCM. Pour les autres genres de questions, l’aide d’un traducteur est nécessaire.
L’ÉCOLE COMME LIEU PRIVILÉGIÉ D’INTÉGRATION DES JEUNES ET DES ENFANTS
L’école permet aux migrants de pénétrer dans un espace protégé où ils ont la possibilité de penser à autre chose qu’aux épreuves récemment traversées. En acquérant de nouvelles compétences, en s’outillant pour faire face aux défis du destin, ils peuvent construire un projet de vie à court terme.
Encore faut-il que le climat scolaire leur soit favorable. C’est la raison pour laquelle enseignants et responsables scolaires doivent y veiller.
TRAVAILLER SUR L’ÉTAT D’ESPRIT DES CAMARADES
Même si les élèves se montrent généralement enthousiastes et curieux de recevoir un nouveau camarade, il convient quand même d’en appeler à leur bienveillance, à leur sens de l’accueil et à leur esprit d’entraide. Il faudra veiller à ce que cet état d’esprit se maintienne au-delà des premiers jours.
Le secrétariat à la migration propose des documents, dont des jeux de réflexions à l’intention des élèves à l’adresse suivante : https://www.kiknet-sem.org/la-migration-nous-concerne/
Une excellente initiative consiste à désigner des élèves volontaires à la fonction de tuteur et de leur fournir une liste de prestations à accomplir. Cette liste devra évoluer au fil des semaines et des mois en fonction des objectifs à atteindre. Un exemple de cette liste de prestations est proposée par la HEP Bejune, qu’elle appelle contrat d’aide. (Voir ci-dessus).
DOTER LE NOUVEL ARRIVANT DE NOUVELLES COMPÉTENCES
Plus que jamais, les recommandations de l’enseignement explicite doivent servir à proposer un cheminement d’acquisition de compétences qui respecte ces principes :
• Cerner l’état des connaissances actuelles pour définir les états désirés
• Partir du plus urgent pour définir un programme de progression
• Fractionner l’objectif général en sous-objectifs
• Proposer à chaque fois des tâches qui évitent la surcharge cognitive
• Permettre à l’élève de comprendre ce que l’on attend de lui et lui donner les moyens de vérifier lui-même sa progression
• Recourir à une variété de supports et d’explications
• Expliciter et expliquer les règles de comportement et de travail en vigueur
• Enseigner les méthodes de travail
• Créer et entretenir une relation positive et empathique
TENIR SUR LA MOYENNE DURÉE
La vigilance des enseignants doit durer au-delà de la phase d’intégration. Il s’agira notamment d’être attentif à l’évolution de la zone proximale de développement en évitant de laisser l’élève stagner ou, au contraire, de le confronter à des défis impossibles à atteindre. Petit à petit, l’enfant migrant devra passer d’un programme spécifique et personnalisé à l’entrée dans le programme scolaire et dans le groupe-classe les plus appropriés à ses capacités.
TENIR SUR LA LONGUE DURÉE
La constitution d’un bagage lexical et langagier adéquat demande du temps, même pour les élèves les plus rapides et les plus doués. Cela oblige à toujours vérifier la bonne compréhension des consignes de travail, et notamment lors de récitations et d’examens.
Sur le plan psychologique, il convient de se souvenir que tout immigré est pris dans une tension entre le besoin d’être traité comme tout le monde et la demande qu’on lui pardonne des maladresses dues à son histoire : « Je veux être comme vous, mais n’oubliez pas par où je suis passé ».
ENSEIGNEMENT À DISTANCE
Le gouvernement ukrainien propose à ses jeunes ressortissants de suivre un enseignement à distance. Sur le plan politique, ce projet comporte le mérite de conserver le plus possible de liens avec la patrie d’origine.
Voici l’adresse internet de ces cours à distance :
https://lms.e-school.net.ua/?fbclid=IwAR2avbievFPLrmO6Tszc5RhvOiB0Lo8aZMOl2VsgB-p7EDoXR2d_wRB0paI
Il paraît pourtant indispensable que les jeunes Ukrainiens intègrent une institution scolaire ou de formation pour éviter toute perte de temps. L’épisode du covid a démontré sur la base d’études sérieuses, que l’enseignement à distance comportait des lacunes que seule une scolarisation traditionnelle peut combler.