Pour que les vertus de l’enseignement spiralaire puissent déployer leurs effets, il appartient à l’élève de mémoriser ce que lui proposent ses enseignants ou ses formateurs. Car c’est une fois les nouvelles connaissances transférées dans la mémoire à long terme que l’apprenant peut aborder des notions et des problèmes plus complexes, sa mémoire de travail se trouvant désormais allégée.
BÉNÉFICES GÉNÉRÉS PAR LES QUIZ
Le meilleur moyen de vérifier qu’une bonne compréhension a été suivie d’une mémorisation adéquate consiste à proposer des tests, des quiz et des récitations. Les bénéfices du recours aux évaluations ont été mis en évidence depuis longtemps par la recherche scientifique. Et des études récentes sont venues le confirmer (Roediger H. L., Smith, M. A, & Putnam, A.-L. 2011), (Sotola, L. K. & Crede, M. 2021).
ÉVALUER, C’EST COMMUNIQUER
Toutes les évaluations ne sont pas que positives, hélas. Certaines d’entre elles peuvent aussi avoir un effet négatif, voire destructeur, principalement lorsque les élèves ou les apprenants échouent à un test sans qu’ils puissent en connaître les causes et, à fortiori les comprendre (Hattie et Timperley, 2007).
Le formateur ou l’enseignant se doivent donc d’expliciter la rétroaction donnée aux élèves en la considérant d’abord comme un processus de communication et pas seulement comme un contrôle. Car le maître n’est pas qu’un simple transmetteur de savoir, mais un professionnel responsable qui réagit, adapte, modifie ses pratiques en fonction des messages que lui envoient ses élèves. « L’enseignement n’est pas une transmission mais une communication ; le feedback en est donc un élément fondamental » (Bressoux, 1994, cité par Bocquillon 2020).
RÉDUIRE L’ÉCART ENTRE LA PERFORMANCE ACTUELLE ET L’OBJECTIF VISÉ
Sachant que la rétroaction a pour but de réduire l’écart entre la performance mesurée et l’objectif visé, l’élève et l’enseignant ont chacun leur rôle à jouer.
L’élève peut juger cet écart trop grand pour lui, se décourager et abandonner ou, au contraire se dire qu’il doit user de meilleures stratégies et redoubler d’efforts pour combler ce gap qui pourrait n’être que momentané.
Quant à l’enseignant, son attitude et son intervention vont alors peser de tout leur poids dans la décision de l’élève. Si celui-ci voit que l’adulte croit en ses potentialités, le rassure, l’encourage et, surtout, lui propose des dispositifs qui le stimulent en dédramatisant les difficultés, alors il va reprendre le risque de réussir plutôt que d’abandonner.
À charge pour l’enseignant de faire alors comprendre à son élève que l’erreur peut être comprise comme une opportunité à mieux comprendre, de lui proposer un cheminement permettant de se mettre en confiance, de renforcer ses compétences en repartant des plus simples pour parvenir aux plus complexes.
LES BONNES PRATIQUES EN MATIÈRE DE RÉTROACTION
Les feedbacks ne doivent pas se contenter d’être stéréotypés : Juste ! Faux ! Oui ! Non !
Pour qu’ils gardent la fonction de communication dont nous venons de parler, ils ont intérêt à apporter des précisions sur les malentendus, les erreurs de compréhension ainsi que sur le moyen de les lever ou de les corriger. Lors d’évaluations écrites, cela consistera, par exemple, à écrire sur la copie de l’élève des phrases explicatives comme :
« Le raisonnement est exact mais les calculs comportent des erreurs d’inattention » ;
« Tu as choisi la bonne formule mais tu en as oublié certains éléments essentiels. Revois tes formules et apprends-les parfaitement par cœur » ;
« Tu as bien mémorisé la règle de base mais n’oublie pas les exceptions à cette règle. Revois tout ça en retenant toutes les exceptions ».
« Je vois que tu t’es appliqué mais que ta compréhension du sujet n’est pas suffisante. Viens me voir pour que je te donne des explications complémentaires. »
« Tu as tout compris et retenu ce qui devait être mémorisé. A voir les exercices que tu n’as pas eu le temps de faire, je te recommande de travailler ta rapidité d’exécution. Tu trouveras des exercices favorisant la fluidité sur internet, à l’adresse http : … »
DES RÉTROACTIONS ADAPTÉES AUX CIRCONSTANCES
Il faut encore tenir compte des circonstances et faire la différence entre les rétroactions données à des exercices oraux, des quiz ou des récitations à caractère sommatif.
Lorsqu’il s’agit d’exercices oraux, les rétroactions doivent être concises pour éviter de perdre l’attention de l’élève et de ses camarades. Bocquillon, (2020) (p. 106) donne les recommandations suivantes :
« Lorsque la réponse est correcte et énoncée avec assurance, l’enseignant approuve brièvement ou répète la réponse sans briser le rythme de l’exercice.
Lorsque la réponse est correcte mais hésitante, l’enseignant donne un feedback spécifique à l’élève pour expliquer pourquoi sa réponse est correcte.
Lorsque la réponse est partiellement correcte, l’enseignant donne un feedback spécifique en précisant ou en complétant la réponse.
Lors que la réponse est incorrecte, il ne suffit pas de donner la bonne réponse et de poursuivre : l’enseignant fournit un indice à l’élève ou lui demande de justifier sa réponse. S’il ne parvient toujours pas à répondre et que d’autres élèves n’y arrivent pas non plus, il est préférable d’enseigner à nouveau le contenu. »
L’enseignant doit aussi inciter l’élève à procéder à un processus d’autoévaluation ou de « feedback interne », le conduire à se poser des questions telles que : « Qu’est-ce que l’on me demandait ? Pourquoi ai-je commis une erreur ? Comment m’y prendre pour répondre correctement la prochaine fois ? » Bocquillon, (2020) p. 107.
RÉTROACTIONS À PROSCRIRE
A proscrire : les feedbacks sur la personne : « Travail de paresseux » ou, au contraire : « Tu es vraiment génial ». Il faut les remplacer par des compliments ou des remarques portant sur les efforts et les stratégies mises en œuvre.
L’ÉVALUATION COMME MOYEN DE VÉRIFIER LE TRANSFERT DES CONNAISSANCES
Pour que l’évaluation permette de vérifier le transfert des connaissances, l’enseignant doit s’assurer que les tâches cibles correspondent aux tâches effectuées en classe, que l’on peut désigner sous le vocable de « tâches sources » (Bissonnette, Richard, Gauthier 2013).
La correspondance entre tâches-sources et tâches-cibles est une première vérification à effectuer lorsque l’on est en présence d’élèves qui ratent leurs tests malgré le fait qu’ils aient étudié et appris leurs leçons. Le tableau ci-après peut alors servir à identifier la cause de cette anomalie.
Le grand mérite de ce tableau est de permettre une vérification de toutes les étapes où il peut y avoir problème. Si l’élève ne peut transférer ses connaissances, c’est peut-être parce qu’il n’a pas découvert correctement la matière, qu’il n’a pas eu l’occasion d’exercer l’application des concepts ou des compétences enseignées, qu’il ne les a pas mémorisées, qu’il est incapable d’aller les rechercher dans sa mémoire, ou encore qu’il ne parvient pas à discerner les similitudes existant entre la tâche source et la tâche cible.
Quand le tableau a permis de pointer l’étape du processus qui bloque l’élève, il est alors possible et même recommandé de focaliser son attention sur les notions, les compétences ou les processus à réexpliquer et/ou à retravailler avec lui.
POUR LES CAS D’ÉLÈVES LES PLUS DIFFICILES
Face à des faiblesses ou des blocages particulièrement sévères, il reste la solution de passer par l’entretien d’explicitation tel que défini et décrit par Pierre Vianin (2020).
Cet entretien passe par 4 actions qui correspondent à autant d’opérations :
1) Initialiser
2) Focaliser
3) Élucider
4) Réguler l’échange
Dans la phase 1, il est important de mettre l’élève en confiance, de lui faire comprendre que si l’adulte l’interroge, ce n’est pas pour le piéger ni pour trouver des éléments qui lui vaudront des reproches. Il s’agit plutôt de se mettre à son service avec bienveillance.
Lors de la phase 2, il est recommandé de se concentrer sur les tout premiers gestes posés par l’élève pour aborder une tâche. Les premiers pas en disent long sur les outils cognitifs utilisés par l’apprenant.
Pour réussir la phase 3, il convient d’éviter certains pièges :
La phase 3 représentant le cœur de l’entretien d’explicitation, il convient de respecter quelques bonnes recommandations :
• Utiliser les mots interrogatifs ou questions : quand, comment, où, qu’as-tu fait en premier, qu’as-tu fait ensuite ? Comment fais-tu pour… ?
• Questionner des descriptions qui nous paraissent évidentes ou triviales mais qui sont autant d’indices précieux, surtout lorsque l’élève les explique et les justifie avec ses propres termes.
• Utiliser la technique de reformulation qui donne l’impression à l’élève d’être bien écouté et qui l’encourage à développer ce qu’il vient de dire.
L’opération numéro 4, la régulation demande à tenir un juste équilibre entre « non-directivité – lorsque l’entretien reste dans le procédural – et une canalisation active – lorsque l’élève s’éloigne du descriptif » pour, par exemple, se cacher derrière des généralités. « Autrement dit, la régulation est directive quant aux domaines de verbalisation – on ne parle que du « comment » -, mais non directive quant au contenu verbalisé – puisque seul l’élève sait comment il a procédé pour réaliser sa tâche. » (Vianin 2020, p. 234)
INTENTIONS ET BUTS DE L’ENTRETIEN D’EXPLICITATION
L’intention première de l’entretien d’explicitation est « d’aider l’élève à formuler dans son propre langage le contenu et le déroulement de ses actions ». Il poursuit trois objectifs :
Apporter des informations à l’enseignant sur la procédure utilisée par l’élève pour exécuter une tâche, ce qui permettra à l’adulte de développer une action pédagogique plus finement adaptée.
Aider l’élève à s’auto-informer sur la démarche qu’il utilise, lui faire prendre conscience qu’elle existe avec ses particularités, ses forces mais aussi peut-être ses erreurs qu’il conviendra, dès lors, de corriger.
Aider l’élève à adopter une posture auto-réflexive, lui apprendre à s’interroger sur la pertinence des stratégies qu’il utilise. Bref, il s’agit de développer chez lui ses capacités métacognitives.
CONCLUSION
Le degré de granularité des rétroactions varie selon le moment de la phase d’enseignement (réactivation, modelage, pratique dirigée, pratique autonome, consolidation) et selon les réponses à l’intervention. Les formes de rétroaction les plus complexes ne doivent être appliquées qu’aux 20% d’élèves qui ne bénéficient pas tout de suite d’un enseignement de qualité et, à fortiori aux 5% d’élèves qui ont les plus grandes difficultés à s’approprier les contenus à l’étude.
Tout enseignant qui vise la réussite du plus grand nombre dira à qui veut l’entendre la joie qu’il connaît lorsque le regard des élèves les plus fragiles s’illumine et qu’ils s’écrient : « J’ai compris ! Mais c’est facile, en fait ! »
OUVRAGES CONSULTÉS OU CITÉS
Bocquillon, M. (2020) : Quel dispositif pour la formation initiale des enseignants ? Pour une observation outillée des gestes professionnels en référence au modèle de l’enseignement explicite, Université de Mons.
Gauthier, C., Bissonnette, S., Richard, M., Castongay, M. (2013) : Enseignement explicite et réussite éducative. La gestion des apprentissages. Montréal, Bruxelles : ERPI, de Boeck.
Hattie, J.A, & Timperley, H. (2007). The power of feedback. Review of Educational Research, 77 (1), 81-112.
Roediger, H. L., Putnam, A. L., & Smith, M. A. (2011). Ten benefits of testing and their
applications to educational practice. In J. Mestre & B. Ross (Eds.), Psychology of learning and motivation: Cognition in education, (pp. 1-36). Oxford: Elsevier
Sotola, L.K., Crede, M. Regarding Class Quizzes: A Meta-analytic Synthesis of Studies on the Relationship Between Frequent Low-Stakes Testing and Class Performance. Educ Psychol Rev 33, 407–426 (2021)
Vianin, P. (2020). Comment donner à l’élève les clés de sa réussite ? L’enseignement des stratégies d’apprentissage à l’école. Louvain-la-Neuve : De Boeck Supérieur