Un enseignant retourne les projecteurs vers les chercheurs en sciences de l’éducation

D’habitude, ce sont plutôt eux qui se penchent sur le monde scolaire pour l’évaluer, le critiquer, en proposer de nouveaux modèles.

Stevan Miljevic, enseignant dans un cycle d’orientation suisse, nous offre une analyse effectuée à partir du terrain. Il ne se gêne pas pour retourner les projecteurs  vers les experts, afin de les renvoyer à leurs études quand il estime, références bibliographiques à l’appui, qu’ils sont trop légers dans leurs démarches, voire même qu’ils diffusent des croyances plutôt que des hypothèses dûment vérifiées sur le terrain, au terme d’une véritable démarche scientifique digne de ce nom. L’école à la croisée des chemins est paru aux éditions de l’Age d’Homme, Lausanne, 2019

Ni progressiste, ni traditionaliste, pour une troisième voie

Dans son introduction, Stevan Miljevic énumère les champs de tension qui traversent le monde scolaire, soumis aux querelles des experts, aux bouleversements induits par Internet, la mondialisation, l’accès simplifié au savoir et la multiplication des « fake news ».

Conséquences de cet état de fait, la division des experts de l’école en deux camps : d’un côté, les progressistes et, de l’autre, les traditionalistes. Stevan Miljevic propose d’emprunter une troisième voie: celle qui promeut une école ni totalement conservatrice, ni totalement progressiste, celle d’une éducation qui parvient à concilier « pratiques éprouvées et nouveautés ». « La marche du monde est un perpétuel agencement entre ces deux tendances », écrit-il.

Les 3 niveaux de recherche en éducation

Dans le premier chapitre consacré aux sciences de l’éducation, Stevan Miljevic insiste sur l’importance de fonder ses pratiques d’enseignant sur des recherches comparatives, dites de niveau 3, puisque menées sur de multiples populations d’élèves ou d’écoles. Arthur Ellis et Jeffrey Frouts ont proposé ces quatre niveaux dès 1993 : les essais, fussent-ils l’œuvre de scientifiques prestigieux, ne méritent pas mieux que le niveau 0. Les recherches descriptives permettent d’atteindre le premier niveau. Pour atteindre le niveau 2, les recherches doivent être comparatives et porter sur au moins quelques classes ou quelques écoles. Seules les études menées de manière rigoureusement scientifique sur un grand nombre de classes ou d’écoles méritent le troisième niveau.

Les recherches de niveau 3 soulignent toutes la supériorité des méthodes dites instructionnistes

Après avoir défini de manière précise ce qu’est le constructivisme, l’auteur rappelle que, depuis plusieurs dizaines d’années, les recherches de niveau 3 ont maintes fois prouvé la supériorité des méthodes de type instructionniste sur celles qui s’inspirent du constructivisme. L’une des causes réside dans la charge cognitive qui est mobilisée par l’une ou l’autre manière d’enseigner.

L’analyse est approfondie, minutieuse et objective, notamment quand Stevan Miljevic se prononce sur la validité et la faisabilité de la différenciation pédagogique.

Que vaut-il la peine de transmettre aux élèves en 2019?

Vaut-il mieux transmettre aux élèves des savoirs ou des compétences ? Telle est la question très « tendance » qui préoccupe l’auteur dans le deuxième chapitre. Pour y répondre, il passe en revue certaines des compétences qui sont les plus susceptibles de causer des problèmes à l’enseignement explicite : la résolution de problèmes, la créativité, l’esprit critique et la capacité de jugement. Il le fait après avoir réinterrogé le concept même de « connaissances » ainsi que les processus qui sont mobilisés pour arriver à leur acquisition en convoquant les principales approches existantes : behaviorisme, gestaltisme, psychologie cognitive, heuristique.

Enseigner des savoirs ou, plutôt, des compétences?

Au terme d’une analyse claire et dûment référencée, les conclusions de l’auteur sont sans équivoque : c’est par l’acquisition d’une certaine quantité de connaissances que les compétences telles que la créativité, l’esprit critique et la faculté de jugement peuvent apparaître chez les élèves et se renforcer. Plus le nombre de connaissances est élevé, plus elles sont assimilées voire sur-entraînées et plus lesdites compétences  peuvent émerger. L’auteur ne délie pas pour autant les enseignants de la tâche de les enseigner ni de les exercer en tant que telles. Exercer son esprit critique et sa faculté de jugement, savoir mobiliser ses capacités créatrices, cela s’apprend aussi à l’école et il est important de le faire, dans un monde en perpétuel mouvement.

Fin de la première partie – La suite dans un prochain blog

 

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